dimanche 24 mars 2013

Nos commensaux

sujet traité à la manière du moins appliqué des chroniqueurs.

A bien y regarder, il n'y a à mon avis qu'une seule véritable sale bête dans le monde vivant, qui a bien de la peine à se rendre utile pour compenser: c'est le virus. Alors encore une fois, les divers Dr Morphal et al. qui écument le net trouveraient beaucoup à dire sur l'utilité du virus dans la recherche; mais regardez-le, ce salaud! Un virus, c'est à peine vivant. Il se résume à une pincée d'acides nucléiques et quelques misérables enzymes emballés dans une capside ingrate: comme un honnête organite qui aurait subitement décidé de se lancer dans le grand banditisme (idée à creuser par les personnes compétentes, si ce n'est déjà fait). Avec un aspect aussi patibulaire, il ne pouvait être rien d'autre qu'un véritable méchant: et ma foi, c'est exactement ça. Cette petite saleté fait pénétrer son contenu dans son innocente victime et se sert nonchalamment de son intérieur pour se reproduire, l'épuisant en synthèses et réplications; et bien sûr, il n'oublie jamais de tuer son hôte en partant, lui et ses fils perforant sauvagement sa membrane en le quittant. Le virus n'épargne personne, tout le vivant subit sa pression vengeresse.

Tout ceci pour dire qu'on confond allègrement ce type de redoutables bandits, genre parasites et parasitoïdes, avec de très estimables commensaux qui pourraient aisément prétendre au titre d'amis.
Le commensal, nous dit Robert, est notre voisin de table; littéralement, un copain: nous partageons notre pain avec lui. Au sens biologique, c'est un être qui profite de nous sans nous nuire, un genre de semi-parasite ou même de semi-symbiote.
Le premier, c'est le rat. Il est bien sûr vrai qu'il est peu heureux d'en croiser un la nuit au détour d'une ruelle sombre, surtout si l'on est un chihuahua ou autre bestiole ridicule et qu'on a un ratier parmi ses ancêtres. Mais qui ignorerait combien nous croulerions sous nos immondices si les rats n'en finissaient la majeure partie? Le plus important, donc, mais non le plus sympathique.
Le plus sympathique à mon sens, c'est bien évidemment le plus minuscule, le plus insignifiant et le plus inutile; je veux parler du lépisme, dont l'espèce la plus courante par chez nous est le poisson d'argent. Dans certain ouvrage racoleur que je ne nommerai pas, on démontre à grand renfort de prises de vue au MEB quel redoutable nuisible il est (l'usage abusif et ostentatoire du MEB, gadget hors de prix, est un indicateur très juste de la connerie et de la racolerie d'un propos). Ma foi non: cet animal charmant qui vit dans les coins humides du logis se nourrit presque exclusivement de papier, et n'existe sauf exception qu'en nombre réduit. Là où il se trouve, c'est à dire la plupart du temps sous l'évier ou dans les toilettes, il n'endommagera jamais que des vieux magazines ou du PQ. S'il s'en prend à vos originaux de Jésus ou de Confucius, dites-vous que vous l'aurez bien cherché: on ne cache pas de pareils ouvrages dans les toilettes.

Dévions un peu. Qu'est-ce qu'un commensal dans les sociétés humaines ? Un bon camarade. Il y a peu de gens sans qualités, et les qualités du commensal ne sont pas des moindres; ça vaut bien un petit mécénat, quelques épluchures et miettes de pain, un fond de bière dans sa pinte (mais guère plus), pour qu'il veuille bien nous éclairer de sa sagesse. On n'en finirait pas de faire l'éloge des solitaires et des inutiles, alors j'abrégerai: voyez quelle valeur ils ont! Il est de notoriété publique que les créants en sont presque tous. La sagesse se bâtit hors le tumulte de la cité, disons dans un monastère ou autre ermitage, de même que la science et l'art. Même celle qui concerne la cité elle-même...
J'ai carrément oublié de la signer, mais elle est bien de moi.

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