dimanche 24 février 2013

Une histoire du Moyen-Âge - Chapitre VII

Elidine, jugé trop lent, est congédié par son roi. Le duc des Chênaies, qui reprend les choses en main, arrive à prendre Russigrol sans trop de mal. L'armée impériale finit enfin par se mettre en marche: le dénouement est proche.
Je joins un triptyque antique fait pour l'occasion, exceptionnellement publié en taille originale pour achever cette série en beauté (et pour que vous puissiez mieux apprécier les faiblesses du dessin).

L'armée Orquaksienne, ayant pillé et brûlé comme il fallait la cité qu'elle venait de prendre, quitta les lieux sans regret et sans oublier un seul des siens. C'était une ruine déserte qu'ils laissaient derrière eux, provoquant la profonde rancoeur des habitants. On s'achemina très vite vers les vastes tourbières au nord de la Lande, car on rapportait qu'Autar et les siens y étaient déjà, attendant patiemment que leur adversaire se manifeste. La cordialité régnait.
C'était le plus grand rassemblement armé du monde connu. Ils étaient, dit-on, 85 000 côté Orquaksien et 98 000 et quelque côté Fondorien et consorts. De part et d'autre, sachant que tout serait bientôt terminé, l'humeur était joyeuse, pas trop grave, et la détermination assez peu flexible. Les Fondoriens, qui attendaient l'accord de leurs chefs depuis un bon moment, étaient spécialement pressés de se battre; les Crochiens plus réservés pour leur part, ayant de l'empathie pour Skerkop, sommé de se taire une fois pour toutes et de faire ce qu'on lui demandait. Alcide Ampwollen, le mercenaire Palgon, attendait son heure non loin.
Le champ de bataille, pour sa part, était tout plein d'invisibles trous: les fragiles tourbières, camouflées sous leur couche de sphaignes et de droséras, sur lesquelles on ne s'engageait pas sans risquer de s'embourber sitôt. Tout ceci compliquerait agréablement les manoeuvres.
Les troupes furent disposées en vue du combat avec autant de sournoiserie que possible. Autar avait envoyé Skerkop, les Crochiens et les Compagnies Bolbiciennes en plein coeur du dispositif, plaçant sur ses flancs des fantassins légers pouvant aisément comprimer les troupes d'élite que les Orquaksiens ne manqueraient pas d'opposer à ce gros morceau, tels les Espadons, les Hussards ou les Dopfhmilts. Être placé ainsi en appât ne plaisait guère à Skerkop, on s'en doute, et c'est un euphémisme. Il s'agissait en fait d'un genre de châtiment officieux; châtiment qui serait finalement fatal aux deux...
Comme prévu, l'élite Orquaksienne chargea au centre. Non que le Duc n'ait vu venir le piège grossier, mais il avait une grande confiance en ses bêtes de guerre et plus d'une sournoiserie dans sa besace. Le choc fut violent, la mêlée d'une sanglance insoutenable: sans exagérer, ceux qui ne parvenaient pas à parer les coups volaient littéralement en éclats. De plus, comme on pouvait s'y attendre, l'attaque par les flancs eut quelques difficultés. Les Hussards, placés sur les côtés du fer de lance, repoussaient les fantassins qui cherchaient à les enserrer. Enfin, le reste de l'armée avait elle aussi sonné la charge, pressant uniformément la ligne Fondorienne.
Skerkop se battit comme un rat enragé. Toutefois, ses chères Compagnies s'étiolaient et des méats commençaient à apparaître dans ses lignes. En une heure de combat, bien qu'ayant causé au moins autant de pertes chez ses ennemis, l'équivalent de deux compagnies entières gisait au sol. Le chef de guerre, épuisé, se sentit pris d'une sainte colère.
Autar, qui regardait anxieusement le lent recul de son armée dépassée, visa le centre de sa ligne et constata désabusé que Skerkop faisait retraiter ce qu'il restait des Compagnies, usant de la moins prestigieuse piétaille pour couvrir sa fuite et regagner les hauteurs. Voyant que tout commençait à se déliter, le maréchal n'hésita pas à faire exploser la plus violente rage face à l'estermaest qui persistait à trahir. Les deux chefs de guerre se firent face, se balançant des monceaux d'insanités. On les entendit jusqu'au coeur de la bataille, pourtant bruyante entre toutes: on abusait des Crochiens, on ne les traitait guère mieux que des artichauts, ils allaient rentrer chez eux et déclarer l'indépendance; car ce n'étaient guère que des sauvages sans cervelle, qu'on allait massacrer jusqu'au dernier voire qu'on utiliserait comme projectiles. Les deux hommes s'apprêtaient à régler l'affaire par un duel; mais une bonne âme suggéra qu'il était mieux de partir la tête haute et de laisser l'autre régler ses problèmes tout seul.
Et voilà Skerkop qui éloignait ses troupes loin du tumulte, fermant la marche sans se retourner, commentant juste à de vieux camarades la conduite immature de son chef. Que trouverait-il à répondre à ça?
Vexé une fois de trop, Autar saisit un arc et tira dans le dos du traître. Il s'écroula, se vida, et murmura dans son dernier souffle quelques paroles inintelligibles à ses camarades.
L'inutilité de cet acte n'aura échappé à personne. A présent les Crochiens stationnaient, hésitants, devant le corps sans vie de leur chef. Sans attendre leur réaction, Autar se retourna et s'aperçut que tout ceci n'avait pas arrangé son affaire, et que ses troupes ployaient; alors, il ordonna que les officiers et lui-même aillent se placer parmi leurs hommes pour les soutenir de leur présence. Peut-être pensait-il alors qu'il serait plus en sûreté près des Orquaksiens que près des Crochiens, et il n'avait sans doute pas tort.
Sa présence, effectivement, revigora profondément les Fondoriens. Exultant, une foule enthousiaste chargeant à sa droite, il sentait  venir le triomphe et se voyait déjà couronné de lauriers, vainqueur de tout, ennemi et traître. Du traître aussi? Du moins en rêvait-il...



Sortit de nulle part un obscur conscrit scandalisé qui mit brutalement fin aux rêves de gloire du grand maréchal en fichant un long coutelas au coin de ses côtes. Les litiges étaient enfin réglés, et l'assassin disparut dans la bataille, sans doute éminemment satisfait.
Lorsque les phalanges s'aperçurent que leur chef n'était plus, le bref élan qui les avait animées s'évapora prestement. On ne peut dire qu'ils prirent la fuite aussitôt, ce serait mal les juger, mais le poids de leur charge estompé, d'autres chaleureux encouragements leur auraient été bien utiles, et cet accident malencontreux les laissait par ailleurs sans guide et désemparés. Ils perdaient donc en espoir et en énergie, et très progressivement ils furent repoussés en direction de l'est.
De son côté, le duc des Chênaies sentait venir un coup décisif. L'armée ennemie était mûre pour être vaincue; alors, enfourchant son destrier, il partit avec les officiels et la cavalerie lourde pour briser les lignes ennemies et causer leur déroute.
L'élan fut superbe mais stoppé net. On savait bien que les tourbières constituaient un raccourci fort pratique, mais certaines étaient fragiles; et encore, aucune n'aurait pu supporter le poids d'une charge de cavalerie. Seulement, le duc ne vit pas venir celle dans laquelle il vint prestement s'embourber avec toute sa clique hennissante, et il se retrouva subitement immobilisé.
Tout ceci aurait pu rester sans grande conséquence, car l'infanterie continuait à tenir la ligne, et la tiendrait tout le temps qu'il faudrait pour que le duc s'extraie du bourbier. La charge serait assurément moins glorieuse, mais c'est tout.

 
Poussières et taches because of scanner dégueulasse.
 
Hélas pour eux...
Alcide Ampwollen en profita pour se couvrir de gloire. Profitant de leur immobilité, une centaine d'archers montés se précipita sur l'aubaine, tournant autour de la tourbière en décochant des traits mortels.
En quelques minutes, la plupart des cavaliers, dont le malheureux duc des Chênaies, étaient criblées à mort, la face douloureusement étalée dans les sphaignes.
La perte d'un chef est toujours un coup dur, surtout un chef si brillant. Lorsque la nouvelle se répandit parmi les soldats, leur avance ne tarda pas à ralentir, leurs efforts à s'effacer; la panique les prenait. Profitant de cet avantage, les officiers restants de l'armée Fondorienne redoublèrent leurs efforts. Les Crochiens avaient fini par quitter le champ de bataille, une partie de l'armée était en fuite, mais les forces en présence demeuraient suffisantes. En fin de compte, les Orquaksiens, privés de chefs, s'effacèrent poliment, malgré les ultimes tentatives d'offensive par les Dopfhmilts survivants. A la fin de la journée, la colonne faisait de nouveau route vers le sud; il n'en restait que quelque-uns qui erraient sur la lande dévastée en s'efforçant de récupérer tout ce qui pouvait l'être. La joie côté vainqueur était mesurée, mais sans doute pas en raison de la mort d'Autar.
La Bataille des Sphaignes était gagnée.
 
L'historien apprécie qu'une guerre ait des conséquences, car cela en justifie l'étude. Quel pervers je fais, direz-vous, à détailler quelque chose de si indécemment inutile, sans même chercher à lui trouver un sens... Car à la fin chacun s'en fut chez lui, léchant ses blessures, fulminant mollement des promesses de vengeance: le Fondor à peine vainqueur, ayant sauvé trop tard une économie dont il ne restait rien à vrai dire. Ne pas faire la guerre serait revenu au même: les caisses auraient fini de se vider, et les Etats financés n'auraient rien pu dire contre.
La fin fut bien triste. Ce qui restait d'Etat-major, ayant rapporté ce qu'il y avait à dire, reçut de part et d'autre la même réponse d'une froide bouffonerie:
 
"Sa Majesté est très déçue".
 
 
 
 
 
Ce feuilleton-série-serial est à présent terminé. Il aura au moins eu le mérite de m'attirer des dizaines de collégiens en quête de cours sur le Moyen-Âge. Ma vision de cette période (qui n'a pas grand-chose d'historique, admettons-le) ne les aura sans doute pas comblés.
Enfin bon, le folklore de mon adolescence, durant laquelle j'évoquai une première fois la Guerre de la Lande Rugueuse, est encore tout plein de curieux évènements que je pourrais bien revisiter un jour: Paranthromycètes, Cnidaires Savants, Tyrans Célestes, Cités sur la Falaise, Etats Fondés sur le Crime... J'ai un projet à leur sujet. Aventures banales en des contrées ordinaires pourraient bien avoir, un de ces jours, un blog propre... A vous de me dire si ça en vaut la peine.

lundi 18 février 2013

Une histoire du Moyen-Âge - Chapitre VI

L'envahisseur démolit point par point la logistique Fondorienne, s'attaquant ce coup-ci à la cité de Russigrol. Le siège s'éternise tandis que l'on s'enfonce dans l'hiver. Les chevaliers de l'Ermitage, qui traînaient dans le coin, s'apprêtent à tenter une sortie. Tout n'est que joie et légèreté.

Le point de vue de la valeureuse piétaille, qui pour sa part resta sagement dans les murs, résume assez bien ce que fut la charge glorieuse: un désastre; de quoi dégoûter à jamais ces orgueilleux de l'exploit guerrier, quand bien même ils auraient pu encore se dégoûter de quoi que ce soit. Ils auraient pourtant dû le voir venir: le cheval, cet animal ridicule, casse ses pattes en allumettes pressées sous un corps bien trop lourd sitôt qu'on le fait courir sur un terrain un tant soit peu accidenté. Alors dans la boue, et dans des fossés encore... Disons que les soldats sur les murs commencèrent par entendre un grand nombre de projectiles fendant l'air, et tout de suite après un orchestre philharmonique de hennissements apeurés et plusieurs corps tombant lourdement dans un sol mou. Peu de bris ou de chocs métalliques; silence. Ce fut achevé en dix minutes.
Alors que la brume matinale se dissipait, on découvrit que la majeure partie des fiers cavaliers s'étaient pris les pieds dans leur caparaçon ou un carreau dans le ventre avant d'avoir pu atteindre les lignes. La plus grande part des survivants avaient trébuché en tentant de franchir le fossé. La plupart de ceux qui y parvinrent, enfin, furent abattus avant d'avoir pu faire quoi que ce soit. Il n'y eut qu'un survivant, le Grand Maître, et il n'était même pas allé avec les autres. Face à ça, les Orquaksiens eurent achevé de réparer les quelques dégâts dans la soirée, et ne pleurèrent que dix hommes.
Quittons un temps Russigrol, pour nous inquiéter un peu de l'armée impériale, stationnée pour l'heure à Sictarie. Outre que les dissensions ne tarissaient pas, et réveillaient même d'obscures velléités d'indépendance administrative chez les Crochiens, il semblait que, loin au Nord, en Marégie plus précisément, la menace d'un pillage en règle des campagnes commençait à poindre.
Les cavaliers Palgons, sous l'autorité du chef Alcide Ampwollen, comptaient en effet bien profiter du désordre ambiant et de l'absence d'armée pour se remplir les poches des succulentes génoises fourrées de Marégie, entre autres fabuleuses richesses. Les Palgons formaient une féroce cavalerie, maniant l'arc et la sagaie, maîtrisant les manoeuvres à la perfection; et de surcroît très aguerris et endurcis, l'inverse en somme de feu les chevaliers. Ils arboraient, raffinement exquis, diverses têtes coupées de cire ou de plastique pour parfaire leur image.
Alcide Ampwollen, Grand Chef des Cavaliers du Régent (puissante fraction armée de Palgonie), dans une attitude diablement ostentatoire. Il était connu comme un véritable géant, de 2 mètres 20 à 3 mètres 50 selon les sources.
Si certains ont des trucs pour donner à un cheval un air ridicule ou rigolo, qu'ils me fassent signe...
Mais tout hirsute et sanguinaire que pouvait sembler Ampwollen, sa motivation était évidente: l'appât du gain. Pour peu qu'on lui fournisse ce qu'il venait chercher, il n'y aurait aucun mort. On s'engageait donc dans des débats sur le montant du tribut, et cela prit encore une fois pas mal de temps. Ce fut le seigneur Klosch, l'origine même de la guerre, qui trancha, car il avait une idée géniale: si on les payait assez, les cavaliers d'Ampwollen accepteraient sûrement de servir le Fondor en mercenaires; ce qu'assez curieusement ils firent sans rechigner. D'autres chefs d'allure moins terrible auraient encaissé le tribut mais se seraient ensuite retirés dans le nord, voire auraient pillé quand même. Il faut en déduire qu'Ampwollen adorait se battre; il y a des fous partout.
L'affaire était donc résolue et les Palgons, moyennant une solde faramineuse et de conséquents frais de déplacement, vinrent grossir un peu les rangs d'une armée de plus en plus cosmopolite bien qu'immobile. Nous étions alors en mars et pas grand-chose n'avait bougé, d'un côté comme de l'autre.
Et c'est là que j'arrête mes récits en général: trop de temps à remplir, et des idées qui arrivent au compte-gouttes... Ce qui me conduit généralement à l'abandon. Rassurez-vous, je me passerai de détails. Dix-huit mois passent ainsi, Skerkop et Autar qui se gueulent dessus avec leurs partisans, et statu quo à Russigrol, dont les vivres sont décidément très conséquents et les attaquants peu pressés de revoir leurs familles. Quand, au 650ème jour de siège...
Dans son palais, le roi Marc l'Oursin d'Orquaksie, qui suivait d'assez loin le tumulte tout en réglant tranquillement ses petites affaires, venait de perdre patience. Le si redoutable Theodor Elidine, pour avoir passé tant de temps sous de si ridicules remparts, n'était désormais plus à ses yeux que le dernier des incapables. Ses techniques patientes et appliquées n'étaient que démodées et rampantes, et sa façon de porter la toque était tout-à-fait désinvolte. En somme il n'avait plus sa place au front, et son âme damnée le duc des Chênaies ferait sans doute très bien l'affaire. Elidine protesta, se débattit, et on dit même qu'il menaça son roi; mais à la fin, honteux, il dut se rendre. Adressant ses dernières recommandations au Duc, il repartit pour la mer la queue basse en lui remettant sa toque de maréchal, celle bicolore avec ses trois anneaux d'argent. Il en serait presque mort de honte.
En fin de compte, ce changement s'avéra providentiel, car le Duc prit les choses en main avec une brusquerie consommée. Il n'était plus question d'attendre, car il était clair maintenant que la faim n'aurait jamais raison d'une ville si bien nourrie. Faute de pouvoir creuser sous les remparts, on fit monter des mantelets, derrière lesquels s'abritaient des tireurs, ainsi que des béliers couverts propres à résister aux divers jets de pierres, de résine bouillante ou de chatons. L'armée avançait ainsi derrière ses murs mobiles, encaissant des centaines de projectiles sans faillir. Assez vite les tirs cessèrent, car il devenait évident que c'était du gaspillage. Mais alors les Orquaksiens étaient sous les murs, et campaient, littéralement. Mis en petits groupes, ils stationnaient sous leur abri, prêts encore à attendre le temps qu'il faudrait, regardant avec désinvolture la garnison qui ne pouvait rien faire. Certes, on leur jetait parfois une pierre plus grosse que les autres, mais c'était bien insuffisant.
Le repos pris, le Duc donna l'assaut. La porte Sud, bien renforcée, résistait aux efforts qu'on lui imposait, mais donnait des signes de faiblesse. Quant aux murs, les sapeurs s'appliquaient cette fois-ci à les miner depuis la surface, car ils étaient également à l'abri dans leur ombre (l'invention des murailles à forte inclinaison devait par la suite résoudre ce problème, et beaucoup d'autres par la même occasion). Et on grimpait joyeusement sur les échelles, dans un combat bien plus égal et conventionnel que d'habitude: le nombre et la détermination ne tardèrent pas à triompher, et avec une si certaine facilité qu'on se demande pourquoi ça ne s'était pas fait avant. Certes, les pertes s'accumulaient et Elidine aurait aisément dit que son disciple abusait de ses hommes, mais on ne peut pas lui en vouloir: les résultats étaient là. Fin août de la deuxième année de siège, le Grand Gendarme Bortek retiré dans le château décida de se rendre. Le Duc, satisfait, ne trouva rien d'autre à déclarer que ceci: "C'est fait".
Mais, alors que chacun prenait enfin un peu de repos, une estafette paniquée arriva en trombe sur la grand-place avec dans ses bagages une fabuleuse nouvelle: Skerkop et Autar étaient finalement parvenus à un accord. L'armée impériale était en marche.
L'issue de la guerre était proche: ne restait qu'à trouver le lieu de la rencontre.
A suivre une dernière fois!

lundi 11 février 2013

Premier essai: Concluant

C'est fait: je suis un auteur publié sur un site à succès.
Ma terrifiante pâte est maintenant visible par tous. Après tout, il suffisait d'essayer: pour peu qu'on oublie de mettre des fautes d'orthographe, les membres du forum sont plutôt conciliants. Si un jour il vous vient une bonne idée de bonne nouvelle d'épouvante, vous pourrez aussi tenter votre chance...

La nouvelle "Le trompeur et le drogué" vient d'être publiée sur le site Creepypasta from the Crypt. (Vous reconnaîtrez facilement, l'icône ressemble à une tranche de coppa. Sans doute pour rappeler le principal sujet traité?) Les habitués sont invités à me laisser leur avis ici-même s'ils en ont un.

J'ai déjà une autre histoire de validée par les membres, bien meilleure si j'en juge par la fulgurance des réactions (mais pour l'instant en attente), et quelques autres idées en tête. Vous allez dire que j'ai de drôles de fréquentations, n'est-ce pas? Tant pis pour vous; vous ne savez pas ce que vous ratez.

Beaucoup de creepypastas sont basées sur des jeux, mais celui-ci est trop ordinairement étrange pour en produire de convaincantes. N'empêche, ça fait peur!

mercredi 6 février 2013

Le planqué

introspection illustrée, n°3

Je me suis  trouvé un principe particulièrement génial: si le lâche est absolument incapable de faire le bien, il est tout aussi incapable de faire le mal. Depuis, je suis un lâche.
Rien ne me heurte, rien ne me hérisse les cheveux sur la tête - je m'efforce qu'il en soit ainsi. Si on me pose une question, je prends parti d'un côté, puis de l'autre, comme la plus artificielle des dissertations; du moins je tempère toujours mon avis, craignant l'erreur. La réponse est la même: oui et non; le relativisme est facile, mais sûr.
Corollaire: la colère est ridicule, l'intransigeance orgueilleuse; le monde est bien trop plein d'exceptions pour qu'il en soit autrement. Il y a longtemps que j'ai renoncé à prendre parti pour quoi que ce soit d'un peu complexe, vu qu'il y aura toujours une voix goguenarde, sortie de nulle part, pour tirer dans le dos de l'orateur: "Certes, mais..."

Et, malgré ça, chaque jour je me flagelle de manquer d'audace.
Certes non, ce n'est  pas triste! Intranquille serait plus exact, si vous comprenez la référence; mesdames et messieurs les laconistes, salut.

Voilà la référence. Je suis un portraitiste exécrable, alors j'ai laissé quelqu'un faire celui-ci pour moi. Ceux qui ne connaissent pas n'ont qu'à taper Fernando Pessoa sur Guugule, et peut-être prendre connaissance de l'oeuvre de cet immense poète. Source: htmlgiant.com

samedi 2 février 2013

Une histoire du Moyen-Âge - Chapitre V

L'armée d'Orquaksie s'est scindée en deux et s'adonne au pillage pour forcer l'armée du Fondor à réagir. La fraction commandée par Elidine est attaquée par surprise par les troupes de Crochie: croyant l'heure venue, Elidine fait rassembler ses troupes.

Une semaine plus tard, le duc des Chênaies arrivait avec ses troupes dans le campement où l'attendait son maréchal. Lui aussi avait vaincu partout, mais sans rencontrer aucun perfide chasseur embusqué. Pourtant, il était bien sombre son supérieur comme il l'accueillait: du temps avait passé et aucune nouvelle attaque ne se profilait. Aussi, l'armée réunie se remit en marche vers la cité lacustre de Russigrol avec l'intention affichée de faire un triomphe sanglant, qui heurterait peut-être enfin l'ennemi. Comme elle se trompait! La plus puissante armée du monde allait s'engager dans le plus long siège de son temps, siège qui s'étendit sur deux années entières.
L'hiver y fut en fait pour beaucoup. La cité était matériellement bien défendue, mais pas aussi bien que l'était Bonbonnes; la garnison, en fait, était plus abondante, le ravitaillement mieux assuré - des jardins intérieurs fournissaient aux habitants une bonne part de leur pitance, et il y avait en les remparts quelques pâturages, et quantité de poisson dans le lac... Mais l'hiver fut rude, un hiver qui étend partout son gel, jusque dans les actes et les avancées des soldats des deux camps, bien que plus l'un que l'autre.
Or donc le siège commença fin septembre - on ne sait quand précisément - et il fallut bien que les choses s'éternisent avant que le froid ne vienne cristalliser les choses. Simplement, un chef de garnison compétent (le Grand Gendarme Bortek) et la présence charismatique de militaires dits compétents (la commanderie des Chevaliers de l'Ermitage) permit au siège à ses débuts d'afficher un aspect plus conventionnel: les actions de surface se révélèrent inefficaces face aux défenseurs inspirés (et assez nombreux). D'autre part - cruel coup du sort - les sapeurs voyaient leur avancée rendue impossible par le sol rocheux, à une époque où plus aucun explosif n'existait pour faire sauter les protubérances.
Aussi, Elidine et le duc, vexés de devoir faire comme tout le monde, installèrent leur campement avec la ferme volonté de rester jusqu'à ce que les défenseurs soient tous morts de faim; ce qui prendrait forcément pas mal de temps, comme nous l'avons vu.

Plan du siège; type de travaux d'approche engagés à Russigrol, avec échelle casquée.
On décrit toujours ce campement comme suit: une ville entourant la ville. Les commandants de l'armée Orquaksienne avaient-ils été inspirés par les fortifs de Bonbonnes, toujours est-il que, prévoyant les tentatives de sortie, le camp n'était qu'une longue suite de palissades, de fossés et de tentes, savamment emberlificotés (le plan ci-dessus étant fortement élagué). On avait même fait apporter de la redoutable lande des rouleaux de ronces sèches et acérées comme on en trouvait alors des hectares et des hectares. Bien sûr, le duc avait aussi pris soin de faire surveiller les arrières du camp, usant des mêmes stratagèmes, pour le cas où l'armée impériale arriverait sans prévenir. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle ne se montra pas pendant toute la durée du siège, soit, rappelons-le, plus de deux ans. Les longues procédures pour punir l'estermaest de sa "trahison" avaient semé une certaine confusion dans l'état-major, divisé en pro- et anti-Skerkop, et l'armée fut incapable d'aucun mouvement cohérent pour une durée interminable. D'autant que d'autres problèmes vinrent se fixer pour parfaire l'ensemble, mais nous y reviendrons...
Le siège durait ainsi depuis pas loin de deux mois et le froid commençait à faire son apparition, rude et gerçant. Pendant cette durée, pas d'action notable: si l'on entendait du bruit ou de la fureur, ce n'était jamais pour longtemps et venant de toute façon de tout petits officiers qui voulaient conduire leurs propres hommes en dépit des ordres. Or un jour, vers fin novembre, alors que le sol givré donnait à la terre un éclat céleste, les portes s'ouvrirent. Ce n'était pas en brandissant le drapeau blanc: il s'agissait bien d'une troupe nombreuse et déterminée venue briser nonchalamment les minables palissades de l'ennemi pour le renvoyer à la mer.
Il est temps de préciser quelque peu ce que sont les Chevaliers de l'Ermitage, car ce sont eux qui menèrent la charge. Les Chevaliers étaient de grands romantiques qui s'étaient conçu une image de fameux guerriers; concept parfaitement artificiel du reste, puisque d'invention intégralement récente. Parmi cette caste, ceux de l'Ermitage étaient les plus exacerbéristes des principes les plus draconiens (comme de se décrire avec des termes alambiqués); ainsi, tous grands guerriers fanatiques qu'ils se voulaient, la plupart d'entre eux n'avaient jamais combattu. Ces romantiques avaient en effet des idées autrement plus originales: dès le jour de leur intronisation, ils se retiraient en rase campagne, seuls ou avec quelques camarades, et passaient alors leur vie à s'entraîner, rigoureusement mais sans adversaire. Quand résonnait l'appel aux armes - c'était d'ailleurs la première fois depuis la fondation de l'Ordre - ils quittaient leur retraite, se rassemblaient à la commanderie et s'efforçaient de livrer un unique combat héroïque où ils devaient tous mourir avec de nombreuses victimes à leur actif. L'Ordre avait alors une vingtaine d'années et pas une seule victoire ni même bataille dans ses annales. Cette charge était le tout premier combat de ces chevaliers à peine sortis de leur cellophane.
Ainsi donc, le Grand Gendarme voyait s'éloigner une bonne partie de sa garnison, partie très charismatique et à même de maintenir l'ordre dans ses rangs à grand renfort d'oraisons chauvines. Il les vit disparaître dans la brume, longeant les rives du lac où, paraît-il, les fossés étaient moins profonds. On se demandait alors, oubliant soudain quels excellents soldats ils prétendaient être, si leur succès était si certain.
A suivre: deux épisodes en plus, avec fin du gros siège puis grosse bagarre dans la boue.